Un souffle de couleurs balaie vallons et forêts, exhalé de cet univers dissimulant ses beautés au regard désenchanté de l’Homme orphelin de sa source.
Pourtant, certaines âmes se prennent dans l’acuité d’une vision brusquement imposée à l’indolence castratrice de nos intelligences blasées : le cosmos respire, soupire ses élégances par ce déchaînement de somptuosité étourdissante. Les fards diaprés de Déesse Nature affriandent le séducteur ébloui : celui qui se voulait magicien se laisse vaincre par cet enchantement extatique.
Quel langage que ces oriflammes enluminées de cette éloquence silencieuse. C’est une déclaration d’amour de la matière tant décriée au profit de l’esprit, et pourtant support de l’âme et omniprésente et servante de notre si fière conscience ! Il est une si grande maîtrise dans la servitude.
Qui n’a oncques été emporté par cette ensorcelante tempête d’éclats de soleil aux ors brûlants, enlacé de caresses évanescentes, obombré du parfum et de la saveur de Dieu? Que sont donc que ces couleurs, ni matière ni esprit, participant de tant de monde, enfouies sous ses sagesses antiques ? Ces petites taches d’aquarelle annoncent l’enlumineur pastelliste tant généreux de son art.
Seule l’Amour peut accoucher d’un tel infini insaisissable. Ces échardes d’étoiles sur les esquisses tortueuses des arbres naissent de la lumière vivante d’un démiurge de génie. Elles sont un pont entre l’Homme et Dieu, entre corporel et immatériel, sensible et charnel, tangible et éthéré.
Le souffle de l’Homme épouse alors le soupir de l’Ami Fidèle, déversant infiniment Sa Splendeur à notre œil halluciné. Tant de gracilité exposée au travers de cet espace d’éternité. Pour quoi pour qui ce déploiement de finesse et de d’harmonie ? Pour le front de quelle déesse ce joyau de féerie ? Notre intelligence assurément, guidant nos âmes dans ce non-agir créateur, ce non-vouloir contemplatif, ce non espace-temps illusoire, cet instant d’éternité.
Et pourtant, la perception des couleurs serait purement psychique, n’existant pas hors de notre conscience. Elles ne sont ni matière ni lumière : c’est notre œil qui « voit », déchiffre, « colore », par notre attention et nos émotions. De même que cette multiplicité de tons qui se ramène au…blanc pur, virginal, opalescent, comme un océan lactescent, comme un linceul aussi, dans une ultime sacralisation de la mort, qui n’est que renaissance, comme ces mêmes feuilles qui tombent au moment de leur pure beauté pour pérenniser la vie.
Au delà de ces poussières de nuances, de ces ombres et apparences, l’œil terrestre vient faire écho à une vision céleste : ainsi est vécu cette alchimie du bien réalisé par l’union des contraires : quand ils s’accordent, l’existence est affirmée par son antipode : Dieu est par ce qui n’est pas hormis Lui. Seul celui qui a vécu l’Enfer peut parler du Paradis, seul celui qui est tombé sait comment il s’est relevé.
Pourquoi donc, par quel heureux « hasard » cet Automne se définit par les dérivés du jaune ? Pourquoi ce tableau d’impressionniste dans lequel nous évoluons est-il défini par cette blondeur et ses dérivés ? Se pourrait-il être le noir ?! Cela nous rendrait bien triste ! Cette palette ambrée, flavescente, fauve, cuivrée, rousse, safranée, dorée enfin nous offre sa chaleur, sa légèreté, se rapprochant le plus de ce blanc universel. C’est la couleur de l’esprit, de la Joie sans support, la seule simplicité d’être en ayant compris pourquoi être. Elle est la vie, la matrice, la Mère-Terre, le féminin apaisé car il vient de ce masculin aveuglant du soleil. Le jaune ouvre sur le blanc, cet éther où Yin et Yang s’épousent pour que resplendissent le Tao, le Fana, l’être qui s’est enfin trouvé pour demeurer au sein de Dieu, cette conscience qui peut enfin dire : « je suis moi ».
Bien sûr, au travers de ce déploiement d’ors, les autres couleurs viennent faire allégeance à ce soleil transmué en lune. Les olivâtres, rubescents et autres violines azurescents auréolent de délicatesse les pépites d’ambre nimbant tout le végétal en pleine transfiguration : le visage mue, se méta-morphose : que trouvera le voyageur au delà des formes ?… Retentit alors à l’écoute intérieure du vagant du Bien-Aimé cette symphonie des tons à la musique séraphique dévalant des cieux. Ce nomade en escale en ce monde entend les peintures du végétal : les couleurs chantent leur si doux silence.
Vient alors à l’esprit une évidence impétueuse : cette épiphanie chatoyante tient de la matrice, dévoile son féminin fécondant cette fois-ci notre nature androgyne, démasquant cet absolu de notre être. La fureur débridée de ce déferlement de couleurs possède une intensité irradiante, impose sa beauté somptueuse à nos yeux mendiants d’esthétique. Et cette force est celle de la Vie, d’une maïeutique existentielle profonde : seule la matrice peut générer tant d’amour, de douceur émanant de cette même exaltation de la Nature. Elle est une élégance gracieuse, annonçant le repli sur soi de l’hiver prochain, ce retour au secret de ce que le printemps et l’été avaient tant prodigué. Notre âme réintégre le ventre utérin, le sein de la Mère où la déflagration de la vie se prépare. L’embryon intellectuel progresse en un foetus spirituel : le ventre qui sait enfante un amoureux d’absolu qui prend sa route vers son origine : un divin achevé, qui n’a pu engendrer l’arbitraire qui est un leurre, une illusion. La femme, l’initiatrice, cette Nature automnale envoient leurs semences génitrices de l’enfant accompli : et Dieu créa la femme qui enfanta l’Homme…qui reviendra à l’éternel.
Ne reste qu’un long soupir exhalé d’une bouche grande ouverte : l’Automne est le spectacle magique d’une Nature intarissable.
Si belle est la cathédrale, comment est donc l’architecte ?
Farouk : 19/11/2016
Vidaillat en Creuse
Bravo Farouk pour tant de belle poésie inspirée. A en couper le souffle!